Ma rencontre avec l’humanitaire…

Pendant les huit premières années de ma carrière professionnelle, j’étais infirmier chef de poste à Gorom-Gorom au Burkina Faso. C’est là qu’on trouve les populations les plus pauvres du pays vivant avec moins d’un dollar par jour. Pourtant, c’est une région extrêmement riche tant en ressources animales et halieutiques qu’en sous-sol. On avait seulement un médecin, deux sages-femmes et une vingtaine d’infirmiers pour plus de 150.000 habitants. En tant qu’infirmier chef de poste, donc sur tous les fronts de soin, j’ai vu mourir beaucoup d’enfants dont plus de la moitié étaient malnutris et des parents très pauvres qui manquaient parfois du strict minimum pour vivre. Cela m’a beaucoup touché. J’étais à la fois affecté et révolté. J’ai depuis ce temps caressé le rêve de travailler pour une ONG puis, pour des raisons familiales et professionnelles, j’ai quitté le Sahel pour la région des Hauts-bassins.

Lorsque l’ONG allemande d’aide d’urgence et au développement Help a lancé le recrutement d’agents de soins pour les Centres de Récupération et d’Education Nutritionnelle (CREN) du Sahel, je voulais repartir pour participer à la prise en charge de ces pauvres enfants à qui je voulais donner de mon temps, de mon énergie et de mon expérience. Plus de trois fois j’ai postulé auprès de Help, deux fois auprès de la Croix-Rouge et deux fois auprès de Médecins du Monde Espagne, et toujours sans succès. C’est alors qu’en partageant mes échecs avec ma famille et mes amis, ils m’ont conseillé de me former à Bioforce qui me donnerait sans doute les compétences humanitaires nécessaires pour mieux aider.

Mon expérience de professionnel humanitaire au Burkina Faso

Dès la fin de ma formation fin avril 2017, je n’ai cessé de postuler dans les ONG intervenant dans la nutrition tout en travaillant au service des urgences médico-chirurgicales à Bobo Dioulasso. J’ai aussi mené les enquêtes nutritionnelles en tant que superviseur régional pour la Direction de la Nutrition, avec à ma charge les quatre provinces du Sahel (Dori-Djibo-Gorom-Sebba) comprenant chacune 5 équipes.

J’ai par la suite été retenu chez Médecins Sans Frontière Suisse (MSF-CH) au Burkina pour le Projet Dengue, puis superviseur des Axes Externes affecté à Gorom-Gorom. Je me suis rendu compte que le poste que j’occupais ne me permettait pas de valider ma période d’application et d’évaluation des compétences à réaliser après ma formation en centre pour obtenir mon diplôme Bioforce. C’est dans ce laps de temps qu’Action contre la Faim m’a contacté pour un poste de Responsable de Projet Santé et Nutrition à Orodara. Il fallait donc faire un choix entre rester chez MSF-CH ou rejoindre ACF avec un poste qui me permettrait de valider mon diplôme. J’ai finalement accepté de travaillé chez Action contre la Faim à Orodara.

Mon choix de me former à Bioforce

J’ai choisi Bioforce pour être un humanitaire qui a des compétences techniques transversales, juridiques et managériales pour mieux intégrer le monde humanitaire. Pour moi c’était la meilleure école pour donner le meilleur de moi à tous les bénéficiaires.

Ma mission actuelle avec Action contre la faim

Je suis responsable de projet nutrition/santé, chargé de mettre en œuvre les activités de lutte contre la malnutrition, mais je suis également dans un rôle de transversalité. J’ai cinq formations sanitaires à couvrir dans un circuit hebdomadaire de 277 kms à moto.  À cet effet je m’occupe du volet Sécurité alimentaire et moyens d’existence (SAME), de l’eau hygiène et assainissement (EHA/Wash), ainsi que du plaidoyer et de la gestion des risques et catastrophes. Dans cette mission j’ai deux animateurs Nutrition et deux animateurs SAME.

Ce qui me motive et me rend le plus fier dans mon travail

Ce qui me rend le plus fier, c’est la réalisation d’un rêve longtemps caressé, l’aboutissement d’un parcours de près de vingt ans : travailler dans l’humanitaire. Les difficultés que je rencontre aujourd’hui sont de plusieurs ordres. Il y a la perturbation de notre programme par la menace permanente des attaques « djihadistes ». Tout le pays est classé en niveau rouge d’insécurité et plus encore, je travaille dans une zone à haute activité terroriste le long de la frontière entre le Burkina et le Mali. Il y a également d’autres difficultés liées à l’état du terrain avec des routes impraticables à l’hivernage. Je suis souvent obligé d’emprunter des pirogues pour atteindre certains centres de santé.

La situation nutritionnelle dans ma zone d’intervention

La région des Hauts-Bassins a été choisie pour notre intervention au regard du paradoxe que revêt cette zone. C’est une région à fort potentiel agricole qui fournit à elle seule plus de 20% de l’offre nationale en céréales, 2e rang en matière de production de légumes, environ 17250 ha de bas-fonds exploités en 2016 soit 17% de la superficie exploitée au niveau national. Malgré ces potentialités, les indicateurs de développement dans cette région ne sont pas encourageants. 20,7% des ménages n’arrivent pas à couvrir leurs besoins alimentaires, 50,4% de la population n’a pas accès à l’eau potable et 88% n’a pas accès à un assainissement adéquat, 20% des ouvrages hydrauliques sont en panne à cause de la défaillance du système de gestion et de maintenance. La situation nutritionnelle reste préoccupante avec des taux de dépistage très faible, 39,4% de malnutrition chronique et 32% de morbidité dans la province du Kénédougou. C’est d’ailleurs ce qui justifie notre présence dans cette partie du Burkina-Faso.

Ma pensée spéciale en ce 15 juin, journée mondiale contre la faim

En cette Journée mondiale contre la faim, je pense à tous ces enfants du Sahel, du nord, de l’est, et partout ailleurs au Burkina Faso en déplacement ou sur place. Ils ne savent pas ce qui leur arrive. Ils n’ont rien à voir avec toutes ces crises qui les déciment. Tous ces enfants malnutris et encore d’autres qui le seront à coup sûr les semaines, mois et années à venir. Ils le seront du fait des attaques terroristes, à cause de l’insécurité alimentaire, à cause des maladies, du dysfonctionnement de nos systèmes de santé et du fait des mauvais programmes ou choix politiques de nos dirigeants.