Centre de formation Bioforce Afrique : deux ans après, premier bilan
REPORTAGE.
Rapprocher les centres de formation des terrains de crise pour mettre à disposition des organisations nationales ou internationales des professionnels formés et opérationnels et ainsi améliorer durablement les interventions humanitaires :
c’est en Afrique de l’Ouest que Bioforce a mis en œuvre la première pierre de cette stratégie. Le Centre de formation Bioforce Afrique fête aujourd’hui ses deux ans, l’occasion d’un premier bilan.
Les régions d’Afrique de l’Ouest et Centrale sont le théâtre de nombreuses crises liées à des conflits ou au changement climatique, et, pour les organisations humanitaires présentes sur place, recruter des professionnels compétents capables de répondre aux besoins des populations est un enjeu quotidien et impacte leur capacité d’intervention. C’est le défi que nous nous sommes lancés en 2017 en ouvrant un centre régional de formation à Dakar, point névralgique des organisations humanitaires dans cette région. Grâce aux soutiens de l’Union européenne, de la Principauté de Monaco, de la Région Auvergne- Rhône-Alpes, de la Métropole de Lyon et de la Fondation Mérieux, en à peine 4 mois le centre voyait le jour et nos premiers étudiants se formaient pour devenir logisticiens ou coordinateurs de projet.
Aujourd’hui, deux ans après son ouverture, 1739 Africains ont bénéficié de nos formations. De tous les pays de la région (Burkina Faso, Tchad et Mali en tête), 328 sont venus chercher une formation certifiante, un label Bioforce reconnu dans le secteur humanitaire, qui leur a permis de trouver un emploi utile au sein d’une organisation internationale ou nationale. Les 1411 autres sont venus chercher, à leur demande ou à celle de leur employeur, la possibilité de développer leurs compétences et de pouvoir évoluer professionnellement au sein de ces organisations. Du côté des employeurs, la satisfaction est également au rendez-vous, comme en témoigne le bureau régional d’Humanité et Inclusion : « la présence de Bioforce au Sénégal est la consécration d’un besoin de formation accessible et plus adapté au contexte humanitaire.»
Elhadji Malick Diagne, coordinateur du Secours Islamique France, tire également un bilan positif de cette implantation « en termes d’accessibilité des formations pour le renforcement des capacités des staffs des ONG. Je suis très satisfait surtout de la proximité du centre car le Sénégal est le siège de plusieurs ONG internationales. Nous avons actuellement un étudiant de Bioforce en Logistique dans notre mission du Sénégal. » Un sentiment partagé par Yann Grandin, spécialiste en protection de l’enfance au bureau régional de l’Unicef : « On sent qu’il y a dans la zone de plus en plus d’acteurs qui ont été formés en protection de l’enfance [une de nos formations certifiantes en Afrique, NDLR], on sent l’impact de la formation d’une manière générale. Après deux ans d’existence je peux dire qu’elle a permis de renforcer le positionnement de la protection de l’enfance dans les pays d’Afrique francophone, de créer des synergies non seulement entre les pays, mais aussi entre les ONG, organisations locales et gouvernement.» Reste souvent un obstacle à lever : l’accessibilité financière des formations. L’Unicef se mobilise en offrant une dizaine de bourses chaque année. Bioforce, de son côté, recherche activement des partenaires pour parrainer de futurs humanitaires comme Kanga Antoinette : « en 2011, pendant la crise, j’étais à Abidjan, ça n’a pas été facile, on a été obligé de rentrer en brousse pour pouvoir échapper aux milices. Cela a renforcé mon envie d’aider ceux qui vivaient des situations de crise. Sans la bourse que j’ai obtenue, je n’aurai pas eu les moyens de financer à la fois les frais de vie sur place et les frais de formation. »
Aujourd’hui, les Bioforce africains sauvent des vies au Sahel, mais aussi en RCA ou au Nigéria, comme le souligne en conclusion Gilles Collard, directeur de Bioforce : « J’étais à Bangui récemment où j’ai rencontré beaucoup de ‘Bioforces’ au sein d’Action contre la Faim , d’Handicap International, ou encore de Médecins sans Frontières. Ils m’ont tous dit l’importance d’avoir été formés par Bioforce et ainsi d’être immédiatement opérationnels dans un contexte aussi difficile que celui de la RCA. Mais ils m’ont également fait part de leur crainte. La crainte de ne pas pouvoir recruter assez de personnels pour répondre aux besoins des populations. Sans suffisamment d’hommes et femmes formées, il n’y pas d’assistance possible et sans assistance, la vie des populations vulnérables est en danger. C’est tout le sens de la présence de Bioforce en Afrique, et, on l’espère, demain dans d’autres régions frappées par des crises. »
Cet article a été publié dans le numéro 3 de la Lettre d’Information Bioforce