4 ans d’expérience au Bus 31/32

Dans le secteur de l’éducation spécialisée depuis 2007, j’ai rejoint en 2013 l’association Bus 31/32 à Marseille, l’ancien Bus Méthadone de Médecins du Monde. J’y ai travaillé 2 ans comme éducatrice spécialisée et 2 autres années comme coordinatrice médico-sociale avec une équipe de 12 personnes. Je connaissais déjà ce public avec qui j’ai eu un premier contact lors de ma 3e année de formation. J’y ai rencontré des professionnels engagés et une éthique de travail qui me correspondait. J’ai particulièrement été touchée par la place donnée aux usagers de drogues, une place d’experts de la consommation et de leurs conséquences, et par ce que nous pouvions leur apporter en terme d’aide. De plus, j’ai apprécié l’approche communautaire développée dans le secteur de la réduction des risques.

En parallèle, j’ai obtenu un diplôme universitaire en Santé, Solidarité et Précarité à la faculté de médecine de Montpellier, formation animée par une grande majorité d’intervenants de Médecins du Monde.

Après ces 4 ans à Marseille, j’ai suis partie voyager un an en Amérique du Sud et Centrale, et suis revenue avec la volonté d’allier dans mes futurs projets professionnels, l’envie d’aller à l’étranger à mes compétences. J’ai voulu valoriser mes expériences par un diplôme et acquérir des compétences techniques comme la comptabilité, la gestion financière et la gestion de la sécurité des équipes sur le terrain, pour être totalement efficace dans mon futur poste. J’avais donc besoin d’un diplôme Bioforce, reconnu à l’étranger et qui allait m’ouvrir des portes dans la solidarité, qu’elle soit nationale ou internationale.

Pour des raisons personnelles je ne pouvais pas partir à l’international tout de suite, donc après mes 6 mois de formation de Coordinateur de projet à Lyon, j’ai trouvé une mission humanitaire ici en France, auprès des usagers de drogues.

« Aller au maximum sur le terrain, en contact avec les usagers, aux côtés de mes équipes »

En tant que cheffe de service médico-social au sein d’Espoir Goutte d’Or, j’ai la responsabilité de 2 services : un Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) qui est un lieu d’accueil où les personnes dans la rue viennent se réfugier et dans lequel infirmiers, éducateurs et assistants sociaux font des maraudes le matin et de l’accueil l’après-midi ; et le second, plus innovant, avec une équipe mobile composée d’infirmiers, d’éducateurs et de psychologues qui fait des maraudes 7 jours sur 7 sur les lieux de consommation et de deal dans tout le nord-est parisien.

Leurs principales missions sur le terrain sont d’entrer en relation avec ces usagers, de créer un lien de confiance pour parler avec eux, et de les orienter vers les bons partenaires en termes de santé, d’accès aux droits ou d’accompagnement juridique. S’ils ne souhaitent pas être accompagnés, alors mes équipes vont délivrer des messages de réduction des risques sur les maladies transmissibles et les risques liés à la consommation de produits psychoactifs.

Depuis quelques années nous faisons face à un nouveau défi : l’usage de drogues dans les camps de migrants. J’ai coordonné, en lien avec d’autres associations et institutions, l’évacuation de 300 usagers de drogues et de plus de 2000 migrants de la porte d’Aubervilliers le 28 janvier dernier. C’était assez impressionnant, on avait les genoux dans la boue, les conditions sanitaires étaient très précaires, c’est fou d’imaginer ça aux portes de Paris ! Les enjeux actuels de mon poste sont donc de tisser des liens avec d’autres associations ou ONG comme France Terre d’Asile par exemple, en faisant des co-maraudes ou des réunions de collaboration et de partage de nos compétences ; et de participer à des réunions avec les instances qui nous soutiennent comme la Préfecture de Police, le ministère de la Santé et la Mairie de Paris pour continuer à organiser notre travail dans les meilleures conditions.

Cette année l’équipe mobile fait face à un nouveau défi avec la crise Covid : début avril près de 70 places d’hébergement dans deux hôtels parisiens nous ont été confiées pour confiner des personnes. Nous portons ce projet en partenariat avec l’association Gaïa où intervient au quotidien un binôme infirmier et éducateur, avec parfois la présence d’un psychiatre.

Pour rester au fait de toutes ces réalités, j’essaie d’aller au maximum sur le terrain, en contact avec les usagers, aux côtés de mes équipes. Je réalise des évaluations partagées de mission en posant des questions aux usagers aidés et à mes équipes qui ont aidé. Quoi de mieux que d’avoir de réels témoignages du terrain pour élaborer des recommandations adaptées !

« C’est aussi un métier qui nous confronte à des difficultés quotidiennes »

Mon principal atout dans mon poste est d’avoir été moi-même éducatrice avant d’être coordinatrice, parce que je crois au potentiel des personnes que l’on accompagne, je suis très tournée vers les communautés, l’humain, la collaboration et l’échange. L’expérience avec le Bus 31/32 m’a aussi donné une certaine légitimité, parce que finalement je suis souvent plus jeune que les membres de mes équipes, mais tout le monde sait que deux ans au Bus 31/32, c’est 5 ans ailleurs !

C’est aussi un métier qui nous confronte à des difficultés quotidiennes, c’est donc important de s’entourer d’autres associations, d’autres équipes pour se soutenir, car avec ce qu’on voit au quotidien on peut vite être submergé. C’est pour cela aussi que je fais beaucoup de briefs et de débriefs avec mes équipes et qu’elles ont des rendez-vous collectifs avec des psychologues extérieurs une fois par mois. Il est très important de parler de ce qu’elles vivent, de ce qu’elles voient tous les jours. En étant elles-mêmes bien accompagnées, elles pourront bien accompagner les personnes dans la rue.

Une rencontre touchante

J’ai accompagné un Tchéchène pendant 4 ans à Marseille, accueilli au Bus 31/32 parce qu’il a été torturé pendant la guerre. Il est arrivé en France avec un syndrome post-traumatique et un problème d’addiction aux opiacés donnés comme antidouleurs après les tortures. J’ai travaillé avec une association de juristes partenaire de Médecins du Monde pour lui obtenir une régularisation pour soins sur le territoire. J’ai arrêté de l’accompagner le jour où il a eu une femme et des enfants et qu’il m’a nommée comme marraine de l’un d’eux. A ce moment-là je n’étais plus en capacité d’être professionnelle, il fallait que je prenne de la distance. Mais quand je suis partie, il avait des papiers, un logement et une famille, et c’est une histoire touchante pour moi.

DEVENEZ COORDINATEUR DE PROJET

Comme Camille, valorisez vos expériences précédentes en gestion de projet, gestion d’équipe ou gestion financière et formez-vous avec Bioforce au métier de Coordinateur de projet de l’action humanitaire. Formations à Dakar et à Lyon.