« Découvrir d’autres horizons, d’autres personnes »

J’ai découvert Bioforce par un article lu dans la magazine Géo au moment où l’école était en train de naître, en 1983, alors que j’étais auxiliaire sanitaire à l’Infirmerie-Hôpital de Djibouti, formé par l’armée dans le cadre d’un volontariat service long outre-mer. On effectuait parfois des missions de soin auprès de populations nomades dans le désert, ce qui répondait à mon souhait de découvrir d’autres horizons, d’autres personnes. C’est d’ailleurs toujours resté ma motivation première, encore aujourd’hui. A ce moment-là, Bioforce m’a paru une évidence et j’ai passé, et réussi, le concours.

Sitôt entré en formation en septembre, l’équipe cherchait des personnes qui parlaient espagnol et avaient un peu d’expérience, c’était mon cas. Elle a proposé à cinq d’entre nous de partir un mois vacciner des chiens contre la rage au Pérou. Deux mois après mon retour en formation, et dans le cadre d’un accord entre Bioforce, l’armée et l’Union européenne pour une campagne de vaccination à Djibouti de femmes enceintes et d’enfants en bas âge, on me demande à nouveau de partir un mois car je connaissais Djibouti ! J’ai donc fait ma formation en pointillé au début, pour en reprendre le cours normal dans les derniers mois. J’y ai beaucoup aimé l’interculturalité, qui est devenue primordiale pour moi et le b.a ba de qui veut travailler à l’étranger. Mais aussi la mécanique, la conduite 4*4, les stages à la campagne…

15 ans, 11 pays

Très vite j’ai enchainé : la semaine après ma fin de formation, j’étais au siège d’Handicap International, que je connaissais pour avoir prêté main forte, comme nombre de mes camarades de promotion, lors des « Fêtes sans Frontières » qui se tenaient à l’époque dans l’enceinte du Parc de la Tête d’Or, au service comptable pour enregistrer les dons et faire les rapports financiers aux donateurs.

Puis je suis parti sur ma première mission en Thaïlande, à reculons parce que j’en avais une image terrible de pays ravagé par les moustiques et les sangsues, et j’ai fini par rester 7 ans en Asie (rires) ! Au début comme administrateur, puis responsable de la construction de centres de rééducation et réhabilitation. Quand j’ai construit ce que j’appelle « ma cathédrale », un centre de 9000 m² pour paraplégiques et tétraplégiques dans le nord du Cambodge, j’ai eu envie de changer de fonction et je suis devenu responsable support (ressources humaines, logistique, achats…) de programmes de déminage de grande envergure, qui mobilisaient jusqu’à 500 démineurs.

Au final, mon parcours m’a emmené avec Handicap International et les Nations Unies, à Djibouti, Thaïlande, Guatemala, Comores, Madagascar, Kurdistan Iraquien, Cambodge, Myanmar, Chine, Mozambique et Sri Lanka. De retour du terrain, j’ai suivi le master humanitaire d’Aix en parallèle d’un diplôme de juriste avec pour idée de m’orienter vers le métier de délégué détention avec le CICR. J’ai finalement intégré le siège d’Handicap International comme responsable régional Asie du Sud-Est, ce qui impliquait encore beaucoup de déplacements sur le terrain.

FIFA, saison 1 : renforcer les capacités des fédérations nationales

Le jour est venu où je me suis dit qu’il fallait que je me pose, que j’arrête de me déplacer sans cesse. L’opportunité s’est présentée en 2004 de travailler à la FIFA. Plus grosse erreur de ma vie : je voyage encore plus qu’avant (rires) ! Mais basé à Zürich en Suisse, je peux quand même facilement rejoindre ma famille à Lyon. A l’époque la FIFA créait un département Développement qui devait piloter des projets avec les fédérations nationales de football autour des centres d’entrainement, de la création de curriculum pour les jeunes joueurs, de la logistique, des ressources humaines, de la sécurité… Du renforcement de capacités en somme, et intelligemment la FIFA voulait s’entourer de gens dont c’était le métier. A la tête de ce département, il y avait par exemple un ancien de la Coopération suisse, rejoint par un ami de ma promotion Bioforce 1985, Pascal Torres. Et comme Pascal faisait bien son travail, la FIFA s’est dit que le profil de personnes qui avaient travaillé dans les ONG était le bon ! Voilà comment j’ai intégré moi aussi ce département, qui aujourd’hui compte une trentaine de personnes.

FIFA, saison en cours : garant de la sûreté et de la sécurité des compétitions

Après quelques années, j’ai basculé fin 2010 sur le département Sécurité qui se créait. La FIFA avait à ce moment-là besoin de quelqu’un qui connaissait bien les fédérations nationales et qui connaissait bien le monde du football pour assister le directeur qui était un policier australien. Et comme dans mes années d’humanitaire terrain, j’avais travaillé sur des programmes de déminage, ils ont fait une connexion, hasardeuse pour le moins (rires), entre déminage et sécurité. Je suis donc responsable sûreté et sécurité de la FIFA depuis cette époque.

Les premières années nous avons créé le règlement de la FIFA en matière de sûreté et de sécurité pour garantir une cohérence dans ce domaine dans toutes les compétitions dont on s’occupe. Un règlement qui doit s’adapter aux 211 pays membres de la FIFA, soit plus qu’aux Nations Unies, et doit pouvoir être mis en œuvre aussi bien par les îles Caïmans que par l’Allemagne. Puis on a développé un manuel de sécurité, à destination des comités d’organisation locaux lorsqu’ils obtiennent l’accueil d’une coupe du monde. Un manuel de 400 pages, qui est leur bible et ma check list. Mon rôle aujourd’hui est de m’assurer que nos règlements et procédures sont respectés, depuis l’homologation ou la construction des stades (notamment dans la gestion des mouvements de foule) jusqu’au stadier présent le jour du match.

Pour une Coupe du monde, on commence à travailler 6 ans avant la compétition, actuellement on travaille avec les Etats-Unis, le Canada et le Mexique qui vont recevoir la Coupe du monde en 2026. Nous évaluons notamment les plans de sécurité des stades, des centres d’entraînement, des hôtels où résident les joueurs, les arbitres, les délégations… en étroite collaboration bien sûr avec les autorités nationales qui engagent leur sécurité publique. Auprès de mon homologue du comité d’organisation du pays hôte, mon rôle est essentiellement un rôle de conseil, de supervision, de garant du respect de notre vision de la sécurité, et de contrôle. Et la FIFA ce n’est pas que l’organisation de la Coupe du monde de football : en moyenne ce sont 5 compétitions par an, avec les coupes du monde des femmes, des moins de 17 ans, des moins de 20 ans, filles et garçons, le tournoi de foot des Jeux Olympiques. En ce moment par exemple je m’occupe de la Coupe du monde de futsal et de beach soccer (foot-plage).

Humanitaire, football : l’interculturel au cœur de ses missions

Ce que je retiens de mon expérience humanitaire ? Première chose : avec 15 ans de terrain, je me sens bien partout. Ensuite, comme ma mission me met en contact avec des fédérations nationales, j’ai la même approche qu’en ONG avec les partenaires nationaux. Ecouter la demande, impliquer les acteurs locaux, répondre quand c’est possible à la demande, tout ça guide aujourd’hui mes activités. Idéalement j’aimerais que mon équipe soit davantage multiculturelle car je veux que ce soit les gens qui ont la connaissance du terrain qui m’aident à mieux en comprendre les enjeux, et être mon vecteur pour faire passer les messages. La FIFA en tant qu’organisation internationale ne peut pas être euro-centrée, et je trouve que l’interculturalité y a encore des progrès à faire. Pour former des officiers de sécurité de stade, de club ou de fédération, dans les pays, le message est beaucoup plus efficace quand il est passé par des personnes issus de ces continents.

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