« Passer du renforcement de capacités au financement des capacités »

Sous la modération de Serena Abi Khalil, spécialiste du développement des partenariats et de la formation des acteurs humanitaires, les échanges ont rapidement mis en lumière un constat partagé : dans un Liban marqué par la baisse des financements internationaux, il devient essentiel de faire de la mobilisation des ressources locales un moteur d’autonomie et de durabilité.

Pour Jeanne Frangieh, fondatrice de l’association HDA et membre du Lebanese Humanitarian and Development Forum (LHDF), le débat sur la localisation doit évoluer : « Nous n’avons plus besoin d’ateliers et de conférences. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un véritable financement de nos capacités. » Elle a plaidé pour un changement de paradigme : permettre aux organisations locales de diriger, non seulement d’exécuter, et de bénéficier de financements directs, prévisibles et équitables, incluant des budgets de fonctionnement. « La localisation n’est pas un agenda de formation, mais de financement et de partage du pouvoir. »

Rationaliser, mutualiser, innover

Pour Daniele El Khazen, coordinatrice régionale pour le Moyen-Orient de Hulo, la mutualisation est un levier concret pour renforcer la localisation :  « La collaboration n’est pas qu’un principe, c’est la clé de l’efficacité et de la localisation. » Hulo soutient les ONG par une plateforme coopérative de partage logistique : achats groupés, mise en commun de ressources humaines, transports partagés et outils numériques. « Nous aidons le secteur à passer de la coordination sur le papier à la collaboration dans les faits. » Ces pratiques permettent de réduire les coûts, de stimuler les marchés locaux et de diminuer l’empreinte environnementale des opérations humanitaires.

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Mobiliser la diaspora libanaise : un potentiel encore sous-exploité

Talar Demerdjian, coordinatrice de projets « Mobilisation de la diaspora » pour le Danish Refugee Council (DRC), a présenté les résultats d’une étude sur le rôle de la diaspora libanaise dans l’aide humanitaire : « Les transferts de la diaspora représentent jusqu’à 40 % du PIB du Liban, mais elle peut apporter bien plus que de l’argent. » Selon elle, les diasporas agissent souvent plus vite que les institutions, mobilisant fonds et réseaux sans lourdeur administrative : « Il faut passer du don ponctuel à la collaboration organisée. » Pour cela, DRC a initié une plateforme de coordination entre associations de la diaspora, afin de renforcer la confiance, la transparence et la continuité des appuis aux organisations locales.

Les bailleurs à la croisée des chemins

Enfin, Elisar Samir Achmar, spécialiste de la localisation pour le European Regional Development & Protection Programme (RDPP), a détaillé le modèle de financement adopté par ce fonds multi-donateurs : « 62 % de nos financements sont alloués à des acteurs locaux, dans le cadre de partenariats de long terme et de projets co-construits. » RDPP met l’accent sur la mentoration, la formation institutionnelle et la co-conception, pour dépasser la logique de conformité et bâtir de véritables partenariats de confiance. « La localisation se produit par nécessité, pas par conception ; il faut en faire une stratégie assumée. »

Cette table-ronde a mis en lumière une conviction commune : La localisation comme transformation nécessaire est une conviction unanimement partagée par les panélistes. Comme l’a rappelé Serena Abi Khalil en clôture : « Mobiliser et partager les ressources locales, ce n’est pas seulement gagner en efficacité : c’est renforcer la confiance, l’appropriation et la résilience. »

Prenant la parole pour conclure, Florence Villedey, directrice générale de Bioforce, a appelé à une évolution profonde des pratiques et des mentalités : « Le système humanitaire doit se rééquilibrer : passer du contrôle vertical à des responsabilités partagées. Il est temps de sortir de la fragmentation pour construire une véritable coopération. » Elle a également rappelé que la durabilité passait par une structuration à long terme des ressources locales : « Au-delà des urgences, c’est tout l’écosystème humanitaire qui doit apprendre à penser dans la durée, à s’appuyer sur la coopération, et à bâtir des passerelles entre acteurs. »

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