Haïti : un mois après le séisme, Benoit témoigne

Un pays traversé par l’insécurité

Depuis cet été, on entend beaucoup parler de l’assassinat du président et du séisme, mais il faut savoir que depuis le printemps, l’île est complètement coupée en deux par des groupes armés. Ils contrôlent un axe majeur, la seule route pour se rendre dans le Sud, et notamment vers 4 départements durement touchés par le séisme.

Aujourd’hui il y a plus de 146 groupes armés reconnus dans le pays. Ils prélèvent des taxes, extorquent ou kidnappent des habitants pour demander des rançons aux familles. Ces événements sont quasi journaliers en zone métropolitaine et sont une grande source de soucis pour tout notre staff, car les pouvoirs publics ne peuvent prodiguer aucune assistance en cas d’enlèvement. Cela nous oblige donc à la plus grande prudence dans chaque déplacement ainsi que de garder une attention particulière sur le bien être psychologique de chaque membre de notre équipe.

Il faut également rappeler que depuis 4 ans, le Sud du pays est régulièrement touché par des catastrophes naturelles : l’ouragan Matthew en 2016, des périodes de sécheresse et des ouragans en 2018, et ce séisme en 2021.

Dans quel état d’esprit est la population ?

La population réagit de deux manières : les Haïtiens un peu plus vieux restent et veulent se battre pour leur pays, alors que les jeunes cherchent à le quitter. On a tous entendu parler récemment des migrants repoussés à la frontière des Etats-Unis. En fait, il s’agissaient d’Haïtiens qui avaient quitté le pays il y a 6 ou 7 ans vers le Brésil, le Chili, ou l’Amérique latine pour économiser de l’argent et qui avaient pour projet d’aller aux Etats-Unis. Aujourd’hui ils sont malgré eux de retour en Haïti.

L’assassinat de Jovenel Moïse a eu un effet moins négatif que le séisme dans l’esprit de la population car cela fait déjà 4-5 ans que la politique est très dégradée. Les Haïtiens n’attendent rien de cette nouvelle situation et évitent de s’impliquer dans la politique par peur, à cause de liens qu’entretiennent les gangs avec certains politiciens.

Renforcer la préparation des crises

Je suis arrivé en tant qu’assistant Directeur Pays sur la côte sud, à Chardonnières, pour aider les mairies à fournir des services à leurs administrés et plus de formations à leurs cadres municipaux sur la gestion des impôts locaux et l’administration en général. Depuis le séisme, on a adapté ce projet pour l’inscrire dans le renforcement de la gestion des catastrophes et des risques et désastres.

Une semaine après le séisme, je faisais le tour des mairies et des sections communales avec mes collègues haïtiens pour savoir combien il y avait de maisons endommagées, combien de gens avaient besoin d’aide, etc. La population avait d’ailleurs d’elle-même déjà commencé à faire ce travail d’inventaire avant que l’on arrive, un apprentissage suite au séisme de 2010. Malheureusement encore aujourd’hui un mois après, il y a des zones qui échappent à ce recensement des dégâts car elles sont trop enclavées et nous n’arrivons pas à y accéder, ni en voiture et ni à pied, à cause des glissements de terrain. Cet inventaire, qui doit être finalisé pour mi-octobre, va permettre aux mairies et communes de faire des appels de financement auprès des bailleurs internationaux pour réinvestir, par exemple dans la réhabilitation de l’eau potable ou la reconstruction de structures.

Ce qui a vraiment été dur pour moi c’était d’arriver dans ces villes les mains vides, et de voir une telle détresse dans le regard des habitants… Certains dormaient dehors et n’avaient pas à manger, ils attendaient quelque chose de moi, alors que mon action n’allait leur être utile que bien plus tard.

Revenons sur ton parcours

J’ai découvert l’humanitaire lors d’un service civique, mais comme je n’avais pas les diplômes nécessaires pour être retenu par une ONG, j’ai suivi la formation Humanitarian Programme Manager en 2020. Très vite après ces 3 mois de formation à Lyon, j’ai trouvé cette première mission en Haïti avec Initiative Développement que je finis dans quelques jours. A mon retour, après une pause, j’aimerais retrouver une mission en tant que coordinateur de projet dans un contexte de développement et avec un projet qui me permettrait de renforcer les compétences des populations locales.