Résilience territoriale à Lyon : ce que révèle la table-ronde du Campus de la Solidarité
Crises sociales, climatiques, logistiques : au Campus de la Solidarité 2025, acteurs lyonnais et institutions confrontent leurs réalités pour bâtir une résilience réellement collective. La table-ronde d’ouverture a réuni Bioport, Bioforce, Forum Réfugiés, Croix-Rouge, SDMIS et Métropole pour repenser la résilience territoriale à partir de leurs expériences concrètes.
Résilience territoriale : à Lyon, une table-ronde où acteurs sociaux, humanitaires et institutionnels confrontent leurs réalités
L’ouverture du Campus de la Solidarité2025 à Lyon a donné le ton d’une semaine placée sous le signe de l’apprentissage collectif et de la coopération. Les discours introductifs ont rappelé l’ambition portée par Bioforce et ses partenaires : créer, selon les mots de Florence Villedey, « un espace temporaire, itinérant et collaboratif, un laboratoire de coopération et d’apprentissage », capable de rapprocher des acteurs dont les missions convergent mais dont les réalités restent parfois cloisonnées.
Delphine Allarousse, Déléguée Générale Fondation de France Centre-Est à la Fondation de France a insisté sur les vulnérabilités qui traversent aussi le territoire lyonnais : « une société fragmentée, en proie à des mutations profondes et rapides », confrontée à des fragilités « sociales, sociétales, environnementales » alors que « le territoire est essentiel et incontournable ».
Ces constats ont ouvert la voie à la table-ronde centrale, animée par Karine Meaux, Responsable du pôle Urgences à la Fondation de France, où six voix complémentaires issues de Bioport, Bioforce, Forum Réfugiés, la Croix-Rouge française, le SDMIS et la Métropole de Lyon, ont cherché, ensemble, à définir ce que pourrait être une résilience réellement partagée.
Comprendre la crise : un territoire exposé, parfois sans le savoir
Le débat s’ouvre sur la notion de culture du risque, un enjeu déjà identifié lors de la première édition du Campus. « On avait un grand défi qui était de développer la culture du risque auprès de nos concitoyens » explique Karine Meaux. Selon elle, la France, « moins habituée, moins préparée » aux catastrophes, accuse encore un retard culturel en matière de prévention. Cette question fait écho aux propos introductifs de Delphine Allarousse, rappelant que « c’est en proximité sur les territoires et par les coopérations… que des solutions nouvelles naissent ».
Pour la représentante de la Métropole de Lyon, cette culture du risque s’étend au-delà des frontières. L’élue évoque la coopération avec Genève dans la gestion du Rhône : « Genève a le tuyau du Rhône : tous les ans, on est prévenu qu’ils lèvent les vannes pour laisser partir les différents sédiments qui sont accumulés pendant un an ». Un exemple simple qui montre que la résilience territoriale ne s’arrête pas aux limites du territoire administratif.
De la logistique aux accueils d’urgence : la réalité quotidienne des acteurs
Quand Nicolas Petit, directeur général de Bioport intervient, il ramène la discussion à un angle souvent négligé : la logistique. La table-ronde l’évoque lorsqu’il rappelle que gérer une crise, c’est aussi anticiper les flux matériels : stations d’eau, équipements, chaînes d’acheminement. Un point qui ressort dans un échange avec le Colonel hors classe Lionel Chabert, Directeur départemental et métropolitain adjoint au SDMIS. Ce dernier explique que « porter secours, ça demande aussi une certaine technicité » et que les matériels nécessitent d’être « homologués en avance ». Ce passage illustre une idée forte : la résilience est aussi une affaire d’ingénierie, de normes, de coordination technique, pas seulement de volonté politique.
Les associations, elles, vivent cette réalité sous un autre angle. Sylvestre Wozniak, Directeur Général de Forum Réfugiés rappelle que leur quotidien est traversé par des dynamiques qui dépassent largement l’échelle locale :« C’est un savoir faire que d’accueillir, d’accompagner dans des démarches administratives, sociales, ensuite d’orienter, puis d’héberger, puis d’accompagner encore. (…) Dans les activités d’accueil, l’accompagnement des demandeurs d’asile, des réfugiés… on est face à deux types de crises ». Il décrit une situation où les ruptures politiques, sociales ou économiques qui provoquent des déplacements forcés à l’international produisent une « catastrophe humanitaire permanente ». Ces crises prolongées mettent sous tension les structures locales et obligent les acteurs à activer des dispositifs d’urgence qui deviennent, au fil du temps, des dispositifs permanents, jusqu’à atteindre leurs limites : « Jusqu’au moment où il n’y a plus les moyens ».
Former ensemble plutôt que séparément : le rôle de Bioforce
La question de la formation des bénévoles et des acteurs locaux est alors posée. Bernard Sinou, Président de Bioforce intervient pour replacer les enjeux : « Comment peut-on, en France aujourd’hui, former des bénévoles occasionnels de façon à ce qu’ils soient plus efficaces, plus professionnels, au moment où vous avez besoin d’eux ? » Il rappelle que Bioforce dispose d’une longue expérience de formation destinée à l’international, et que les besoins du territoire français convergent désormais : « On sent qu’il y a un certain nombre de besoins communs sur lesquels nous pourrions être utiles. » Un axe sur lequel Bioforce travaille depuis déjà plusieurs années. Cette intervention agit comme un pivot : la résilience territoriale n’est pas seulement une question de dispositifs, mais d’hommes et de femmes préparés, formés, capables de coopérer dans l’urgence.
« On est face à une catastrophe humanitaire permanente de 120 millions de personnes ». Sylvestre Wozniak, Directeur Général, Forum Réfugiés
Un territoire qui ne manque pas de bonne volonté, mais d’espaces pour coopérer
Si des exercices communs sont déjà en place pour plusieurs structures comme le SDMIS et la Croix-Rouge, plusieurs intervenants pointent un paradoxe : la métropole dispose d’un tissu associatif dense, d’institutions solides, de services de secours aguerris et d’un réseau de bénévoles engagé mais ces forces nécessittent de travail toujours plus en commun. Le Campus est l’un de ces lieux de mise en lien, où les besoins des uns éclairent les contraintes des autres, et où les solutions apparaissent dans la complémentarité plus que dans l’addition des efforts.
La dernière intervention sonne comme une invitation à prolonger le travail entamé. Bernard Sinou résume avec pragmatisme : « Comment préparer des gens à vous rejoindre ultérieurement pour qu’ils soient plus efficaces au moment où vous avez besoin d’eux ? » Karine Meaux conclut sur un cap clair : développer une culture commune du risque, une interconnaissance, une terminologie partagée, des exercices communs. Autant de briques qui doivent s’ancrer durablement dans les pratiques du territoire.
Tout savoir sur nos Campus Ephémères 2025
De Beyrouth à Lyon, en passant par La Réunion et le Sahel, Bioforce réunit cette automne des centaines d’acteurs de la solidarité pour renforcer les capacités locales et partager les savoirs qui font la différence sur le terrain. Un cycle de Campus Éphémères pour affirmer une conviction forte : la formation est au cœur d’une solidarité plus efficace, plus humaine et plus durable.