Comment définirais-tu le métier de coordinatrice MEAL ?

« L’équivalent en français de l’acronyme MEAL (monitoring, evaluation, accountability, and learning) est SERA : suivi, évaluation, redevabilité, et apprentissage. Le MEAL a des contours assez différents selon les organisations, leur sensibilité, leurs façons de faire, leurs thématiques d’intervention, etc. Dans mes missions, l’équipe MEAL était placée sous la responsabilité du chef de mission ou du chef de mission adjoint aux programmes, de sorte qu’elle travaille en parallèle et en étroite coordination avec les équipes en charge des projets.

L’objectif de l’équipe est d’accompagner les programmes vers la qualité, en prenant en charge une partie des activités de suivi et d’évaluation, et en produisant du conseil et de la formation sur la façon de suivre un programme correctement, sur la manière de mettre en place des outils pour consulter, impliquer et écouter les communautés tout au long du projet. Enfin, en fonction des enseignements tirés et des lacunes identifiées, il s’agit de capitaliser et formuler des recommandations pour réajuster les interventions selon les besoins.

En tant que coordinatrice, j’étais en charge des équipes MEAL présentes, je devais notamment les constituer, les former, les accompagner en mission, etc. C’est un métier qui me passionne, et j’en parle toujours avec plaisir : on est transverse à tous les projets, on travaille sur la qualité et le long terme. Il faut aussi être curieux, maitriser les techniques de collectes de données. On travaille main dans la main avec les équipes projets, par exemple on animant des ateliers pour réfléchir aux échecs et en compilant les belles histoires.

Comment as-tu découvert ce métier ?

Après être passée par Sciences Po, j’ai suivi la formation de Responsable Ressources humaines et Finances humanitaire à Bioforce parce que c’était une porte d’entrée dans le milieu des ONG, vu le peu d’expérience professionnelle que j’avais.
J’ai eu un premier poste pendant un an en finances et RH avec une ONG locale en Guinée. Après cette année, j’ai réalisé que je voulais être plus impliquée dans les projets.

J’ai alors été Cheffe de projet Santé, toujours en Guinée, et j’ai commencé à travailler sur le dispositif de suivi du consortium d’acteurs qui intervenaient sur nos projets Santé, et sur les thématiques de genre – soit comment intégrer le genre dans les dynamiques d’un projet communautaire.
C’est l’aspect transverse qui m’a intéressée dans le MEAL, le fait de travailler sur toutes les thématiques liées aux projets. 
Parce que ces expériences en Guinée comportaient des activités se rapprochant du MEAL, Solidarités International m’a proposé un poste de coordinatrice MEAL. C’est au sein de cette ONG que j’ai acquis davantage d’expérience dans ce domaine, dès ma première mission en République Démocratique du Congo en 2014-2015, puis au Liban en 2016-2017, et enfin au Mali en 2020.

Peux-tu évoquer tes contextes de mission avec Solidarités International ?

En RDC, j’étais basée à Goma, dans l’Est, au bureau régional et sur un poste de coordination. On travaillait dans le Nord Kivu, le Sud Kivu et en Ituri. Je me déplaçais de manière limitée pour des raisons sécuritaires, et j’avais des équipes dans ces trois bases avec lesquelles j’étais constamment en contact. On a travaillé notamment dans un contexte de déplacements internes de populations, dans le cadre d’une crise qui dure depuis plus de vingt ans. Il y avait beaucoup d’insécurité, de groupes armés actifs, de ressources naturelles qui génèrent également des conflits et des pressions. Dès qu’on était informés que des populations se déplaçaient grâce à des réseaux d’informateurs mis en place, les équipes de Solidarités International étaient mobilisées pour évaluer les situations et les besoins, et déclencher diverses réponses d’assistance, que ce soit de la construction de petites infrastructures, ou de la distribution de monnaie et/ou d’articles.

Au Liban, j’étais basée à Beyrouth, mais nos projets étaient à Tripoli (nord) et à Zahlé (est). On avait également une base dans le Akkar, au nord de Tripoli, à proximité de la frontière avec la Syrie. On travaillait surtout avec les réfugiés syriens. Il y avait peut-être 5% d’assistance à des Libanais vulnérables, car les projets comportent souvent un volet avec les communautés hôtes. Nos projets étaient axés autour des conditions d’habitation, et de l’accès à l’eau et l’assainissement. Au Liban, j’avais beaucoup de liberté de mouvement, et je pouvais me rendre sur les zones d’intervention chaque semaine, d’autant plus que le pays est petit.

Et au Mali, ce sont les conséquences depuis 2012 de volontés séparatistes de la partie nord du pays, l’arrivée d’éléments d’AQMI et autres groupes similaires qui créent l’insécurité et des déplacements de populations. Ces conflits viennent aggraver des situations préexistantes, notamment d’insécurité alimentaire extrême, de sécheresse et ce qu’on appelle la soudure au Mali – c’est d’ailleurs le grand thème d’intervention : cette période se situe entre le moment où les gens ont fini de consommer tout ce qu’ils ont produit, et les nouvelles récoltes. C’est une période compliquée, où il y a beaucoup d’insécurité alimentaire, beaucoup d’enfants souffrent de malnutrition, d’où le nombre de projets autour de cette problématique. On aidait également les gens à avoir accès à l’eau, et on formait les mères à identifier et diagnostiquer la malnutrition.

Aujourd’hui, je suis revenue en France, je travaille dans le secteur de la transition énergétique. Mais ma carrière dans l’humanitaire n’est pas terminée, je la vois au contraire comme complémentaire avec ce que je fais aujourd’hui. »

Gagnez une compétence supplémentaire en gestion de projets

Formez-vous à l’approche méthodologique Suivi, Evaluation, Redevabilité et Apprentissage, pilier majeur de la démarche qualité dans la gestion de projets humanitaires ou de développement